• Le blog de Marie-Monique Robin :
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    Marie-Monique Robin c'es celle qui a mis en évidence la pratique du trafic d'organes, en vain :

    "Un ami journaliste colombien m'a parlé du trafic d'organes. "Tu devrais enquêter. Pour moi qui vis ici, c'est trop dangereux. Toi, tu es Française, ça te protège." Il m'a montré des articles de presse sur la question. J'ai commencé à constituer un dossier. Je suis entrée en rapport avec les organisations non gouvernementales. "Il y a très longtemps que nos correspondants nous parlent de ça. Si vous voulez, on vous aidera", m'a-t-on dit à la Fédération internationale des droits de l'homme. J'ai demandé aux ONG de me fournir deux experts médicaux pour qu'ils vérifient la véracité des propos que l'on me tiendrait. Parallèlement, j'ai instauré un système de protection des témoins qui accepteraient de parler. En Argentine, j'ai enquêté dans un hôpital psychiatrique. Au Mexique, j'ai parlé du trafic de reins. En Colombie, je montre le petit Jaison. On lui a volé ses cornées. Il témoigne. Sa mère aussi. Hospitalisé dans un hôpital public près de leur bidonville pour une diarrhée aiguë, elle le retrouve un bandeau sur les yeux, il saigne et il n'a plus de cornées. Sa maman n'a pas pris d'avocat. C'était hors de son univers. J'ai retrouvé Jaison dans un institut pour enfants aveugles. Le film Voleurs d'organes se monte. Il est diffusé dans une trentaine de pays. Il me vaudra pas mal de récompenses, dont le prix Albert-Londres. Les ONG passent le film aux Nations unies. Mes problèmes commencent à cet instant. Dans l'hémicycle, l'émotion est telle que l'on demande officiellement au rapporteur des droits de l'enfant d'inclure l'enquête sur les trafics d'organes parmi ses missions. Là, les Américains se mettent en branle. Arrivé de Washington, un homme travaillant pour l'United States Informations Agency (USIA) - dont je découvrirai plus tard le lien avec la CIA - remue ciel et terre pour que les ONG se désolidarisent de moi. Je l'avais déjà rencontrée. J'étais allée l'interviewer à Washington désireuse de savoir pourquoi, à chaque affaire dénoncée en Amérique latine dans la presse, l'ambassade des États-Unis envoyait un démenti 48 heures plus tard. · l'époque, je ne faisais pas le rapprochement entre mon interlocuteur et les services secrets, mais je me souviens qu'il connaissait tout de mon travail en Amérique latine. C'est ce même homme, donc, que je retrouve et qui bloque l'enquête demandée par les Nations unies. "Comment pouvez-vous enquêter sur une rumeur initiée par le KGB ?" leur a-t-il dit. L'enquête n'a pas eu lieu. · Paris, il rencontre le secrétaire de la Fédération des affaires des droits de l'homme et lui assure que "madame Robin est un membre du KGB". Sans succès. Alors, ils trouvent le point faible de mon film. Jaison. Les autres affaires étaient en cours avec la justice. Pour Jaison, pas d'avocat, pas de juge. Ils envoient une caméra depuis Miami dans le bidonville de la mère du petit garçon afin de lui faire dire que je l'avais soudoyée. Elle a refusé et s'est servie du réseau de protection que j'avais constitué. Ils sont passés à autre chose. Avec l'aide d'un grand ophtalmologue colombien, ils ont monté l'opération extraordinaire de faire venir Jaison à Paris pour un soi-disant examen et conclure que ses yeux lui avaient été enlevés car il souffrait d'une infection. Panique. La presse s'empare de l'affaire. Le président du prix Albert-Londres prend peur. Mon prix est suspendu. S'ensuivent des moments très difficiles pour moi. Seuls les journalistes de la Croix et de l'Humanité se sont déplacés, m'ont écoutée. Les autres ont descendu le film, parfois même sans le voir. Les accusations de bidonnage ont été les plus dures. On peut toujours se tromper, se faire abuser, cela fait partie des risques du métier. Mais dire que j'ai bidonné ! C'était une attaque terrible. Vraiment. En même temps, j'ai commencé à m'inquiéter. Je recevais des menaces téléphoniques. Un jour, j'ai retrouvé le volant de ma voiture sur le siège. En Amérique latine, c'est un signe que lance l'extrême droite ou les mafieux signifiant "tiens-toi à carreaux, sinon on te zigouille". Jamais plus je ne devais retourner en Colombie, ma vie y est en danger. Mais le plus horrible dans cette affaire, c'est que plus personne ne s'occupait du vol d'organes.
    j'ai écrit un livre (1) sur mon histoire qui a été ignorée des médias, comme ils ont passé sous silence le maintien - après enquête - de mon prix Albert-Londres.
    Des associations me contactent toujours régulièrement pour passer le film et animer des débats. Maintenant, le trafic s'est généralisé. Rien n'a évolué.
    Là, (
    en 2002) j'ai réalisé une série de reportages sur Cuba pour Thalassa et je viens d'en terminer un qui passera sur France 3 sur les fausses allégations de pédophilie envers les enseignants. Comment une rumeur peut briser des vies. C'est un sujet délicat, qui va faire parler car totalement à contre-courant. Beaucoup d'écoles ne veulent plus faire de classes vertes, estimant que c'est trop dangereux. Désormais, un enfant est élevé avec l'idée que tout adulte est potentiellement pervers. On est tombé dans un truc délirant, inquiétant. "

    (1) Marie-Monique Robin, Voleurs d'organes. Enquête sur un trafic, Éditions Bayard



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